6 Bonnes raisons  d’écrire

Des bribes de moi.

Ce que j’écris.

Derrière l’auteur se cache un être humain, ni beaucoup plus ni beaucoup moins. Comme toi, à moins que tu sois un de ces ratons laveurs à l’esprit acéré qui passent du temps sur internet entre deux lessives.  À moins que tu aies oublié que tu étais humain.

C’est bien là, la seule mission que j’aurais pu accepter dans cette vie si on me l’avait confiée : nous rappeler que oui, nous sommes bourrés de défauts, oui, nous essayons de nous améliorer, surtout les jours pairs car les jours impairs, il nous faut nous reposer de cette tentative surhumaine de toucher au sublime. 

Alors j’écris dans deux grandes directions.

Les Celtes.

La première c’est le monde merveilleux des Celtes. J’ai baigné dedans depuis ma plus tendre enfance. Je l’ai longtemps rejeté mais l’être humain c’est comme les dents, ça tient mieux avec des racines. Prière de ne pas se déchausser.

 Kernunos le dieu cornu, les korrigans, la magie, les druides, la langue gauloise, artisans du métal et du cuir, techniques agraires, artistes inspirés. Une civilisation méconnue du fait qu’elle n’abusait pas des articles de blog et des tweets assassins.

Je ferme les yeux. Tous ces personnages bien vivants s’agitent dans le soleil levant et m’agrippent jusqu’à ce que je couche leurs aventures sur le papier. 

Le périple des Druides est né. Imram an Inizi, le périple des îles dans sa version préliminaire. Trois trilogies distinctes mais reliées par un fil rouge dans un chaudron en ébullition. Aremorika en est le premier tome. De l’humour, de l’action, de la magie et surtout de l’humain.

Une grande épopée tragicomique pour les petits et pour les grands.

Le modern-fantastique. 

Moderne sans e ça fait américain, ça fait western. De l’héroïc-fantasy moderne sans elfes ni magiciens à grand chapeau, c’est ça le modern-fantastique.

Oui, la seconde direction c’est le monde fantastique de nos contemporains. Des cyber humains bardés de technologie et cons comme des balais. Ils croient autant dans la démocratie représentative que dans le curcuma en poudre, autant dans l’innocuité d’un vaccin cultivé sur un cheval qui va finir en steak de vache que dans la validité d’un laissez-passer autosigné pour juguler la peste de la chauve-souris. Un être humain grandiose et pitoyable, pétri de nobles sentiments et de mesquineries cachées. 

Comme moi, comme elle, comme lui, comme toi sauf que toi, tu as dépassé le cap de la mesquinerie et tu en ris quand tu la reconnais chez les autres. 

Des conflits, des enquêtes, des arnaques, des croyances mystiques, des grosses bouffes et des grandes causes. Voilà le monde de Touellec, de Locataire et des futurs romans qui vont s’y dérouler.

Ce mélange me fascine. Ses ingrédients aussi :

  • une dose d’immobilisme car la nouveauté nous terrasse ;
  •  une dose de nouveauté car merde, nous sommes en vie ;
  • Une dose de générosité pour nos proches et parfois pour les autres, ceux qui sont pas pareils. Mais attention, je remplis mon abri antiatomique de boîtes de sardine, de pâtes bon marché et de papier cul. Et Dieu sait que j’en aurais besoin du PQ quand je me rendrai malade avec mes surplus de pâtes aux sardines périmés avant le prochain confinement.

Démêler le vrai du faux, voilà ce que j’aime. C’est pour ça que j’écris avec un peigne. Les mots écrits à l’encre de pou jamais ne se décrochent de la page.

La troisième direction.

Et la troisième de ces deux directions c’est la fermentation. 

La fermentation c’est la transformation d’un élément en un autre sous l’action d’enzymes, de levures et de bactéries multiples. Dans l’air ou en apnée. Avec production d’alcool, d’acide lactique ou d’autres produits qui picotent.

L’écriture est une fermentation de l’esprit. Tant qu’à faire, je fermente aussi mes légumes, ma viande et mes boissons. Et mon pain et mes poissons.

Dès que j’en aurai le temps, j’écrirai sur mes expériences de fermentation pour les partager par écrit et après en direct, ici, à la maison jaune.

La cueillette des histoires.

L’écrivain est un être normal comme un paysan, une mercière, un ouvrier ou un député. Normal ça veut dire avec à peu près la même dose de rêves, d’angoisses, d’espérance et de névroses. Un peu plus de névroses quand même car il pense maîtriser ses personnages alors qu’il n’en est que la marionnette. Avez-vous jamais vu un auteur décliner autre chose que cinquante versions de sa fêlure ? Par respect pour toi, lectrice, lecteur, j’ai cultivé et nourri plusieurs névroses afin d’enrichir mes histoires. Je crois qu’aujourd’hui, elles ont bien proliféré et qu’elles sont mûres pour êtres cueillies.

Voilà, tu sais l’essentiel.

Conclusion hâtive.

Au fait, si tu voulais savoir mon âge, mes orientations amoureuses, le prénom de mes enfants et de mon jaguar empaillé, mes revenus secrets tirés de la distillation des capucines, tout est écrit ci-dessus. En filigrane à l’encre de pou. Prends ton peigne et démêle-toi.

Ou écris-moi un mail. Sans arracher les touches avec ton peigne.

Pourquoi j’écris.

C’est une question banale auxquels tous les auteurs sont sommés de répondre alors qu’ils n’en savent rien et qu’en plus, ils s’en fichent pour la plupart. Moi y compris jusqu’au moment où j’ai décidé d’y répondre. La banalité recèle des trésors.

Le syndrome du pisseur

Demandez à un pisseur ou à une pisseuse pourquoi ils pissent. La réponse est limpide, d’un beau doré transparent. « Parce que j’ai envie ».

Un peu court, me direz-vous. Tudual, tu sombres dans la facilité. Je réponds que la facilité n’est ni une tare ni une addiction alors on ne sombre pas dans la facilité. On y va parce que c’est naturel. Quand il n’y a pas d’obstacles sur son chemin, l’arbre pousse droit.

Écrire c’est écouter l’enfant que je suis encore.

Le syndrome du raté

Demandez à un anxieux névrosé pourquoi il reste derrière son ordinateur et ne parle à des amis virtuels que par le truchement de son clavier. Ah, il les collectionne, les like et les gamers.

On a tous envie de montrer qu’on sait faire des choses contrairement à ce que nous aura dit un copain envieux, un parent énervé, un perroquet mal élevé. Écrire on fait ça depuis qu’on a quoi ? quatre ans ? Des boucles et des déliés. Des rédactions sur la cueillette des champignons à mi-forêt. Un dossier sur les architectures réparties et la tolérance aux fautes. Personnellement, je me suis tellement éclaté dans l’écriture qu’il m’a fallu quelques dizaines d’années avant d’envisager qu’on pouvait y faire passer autre chose que du conditionnement et de l’utilitaire. Et changer d’angle de vue, c’est ce qui change le goût de la vie.

Écrire c’est rechercher le meilleur de moi-même.

Le syndrome de la ménagerie

Le déjanté, le drogué, le sensible, l’ordure, le fainéant, l’hyperactif, le profiteur, le niais, le romantique, l’obsédé, le violent, le drôle, le sinistre, le moralisateur, le pragmatique, l’idéaliste, le généreux, le haut potentiel, le débile profond, ils font partie de moi et cohabitent bon an mal an. Chez certains, ils sont plus nombreux, chez d’autres ils se fondent plus harmonieusement.

J’avoue qu’écrire c’est permettre à tous ces personnages de mieux communiquer, de se comprendre, de s’accepter et de transformer des ingrédients disparates et a priori incompatibles en un ragoût bien mitonné.

Écrire c’est rechercher ma paix intérieure.

Le syndrome du tueur en série

Écrire c’est aussi parler de la part sombre et à la part sombre de nous-mêmes et de nous tous. La part que chacun d’entre nous cache aux autres car elle ne rentre pas dans le système autorisé des « bonnes » valeurs. Avez-vous remarqué comment on parle des maladies mentales, des obsessions, des compulsions, des envies de massacrer le gamin qui a piqué une frite dans notre assiette ? Tout à fait. On n’en parle jamais. Ça ne concerne que les malades donc pas nous. On en fait des documentaires comme ça on est documentés sur les maladies des autres, ça nous soulage de voir à quoi on a échappé.

Constat simple : si j’étais malade, j’aurais un traitement. Je n’ai pas de traitement donc je n’ai pas de problème.

Constat difficile : je n’ai pas de traitement parce que je suis discret.

On a tous un pet au casque. Plus vite on s’en rend compte et plus vite on peut rire de soi-même et des autres. Le pire c’est le guichetier insignifiant ou le président aux dents blanches dont l’immaculée présentation devrait nous faire tiquer.

Oui, je suis un iceberg dont j’ignore moi-même la profondeur immergée.

En vérité, je vous le dis. Une frite volée ne mérite pas un doigt coupé. Ça gâche l’ambiance.

Écrire c’est exorciser mes démons.

Le syndrome du mégalomane

Maîtriser le scénario. Maîtriser les personnalités et les comportements des personnages. Maîtriser les dialogues, les rebondissements. Rien ni personne n’aura la force de changer mon histoire. Je fais ce que je veux. Je suis le maître du monde comme dans mes rêves de quand j’avais trois ans. J’avoue. C’est très satisfaisant de jouer au démiurge, de raconter des contes symboliques aux personnages archétypaux, du concentré de ce qu’on voit dans la vraie vie. Et c’est tellement prétentieux et tellement bon de penser ne serait-ce qu’un instant qu’une belle histoire peut faire bifurquer la vie d’une lectrice ou d’un lecteur.

Écrire c’est croire que je peux améliorer le monde, un peu.

Le syndrome positif

Ce qui est primordial c’est l’impression finale, dans un repas, dans un baiser, dans un combat de boxe, partout. Pour l’écrivain c’est pareil, même si c’est un grand névrosé pourri de complexes, il y a une lueur d’espoir au bout du tunnel. Il y a toujours une lueur d’espoir au bout du tunnel. C’est pour cela que l’intestin donne sur la lumière, avec des efforts, bien sûr. Faut pas pousser. Un peu quand même.

J’écris parce qu’il y a une partie de moi que j’aime et que je ne vois qu’épisodiquement en société, dans une ambiance paisible avec des personnes débridées. C’est la plénitude d’un déroulement qui va dans la bonne direction, avec des obstacles mais pas trop, où on atteint souvent l’objectif avec un je ne sais quoi de jubilatoire sur la compréhension du monde.

Écrire ça me rend heureux.